Communiqué de presse : La SRF réagit à la pétition

COMMUNIQUÉ SRF

Paris, 18 avril 2014.

Une pétition signée par des centaines de techniciens amis circule actuellement contre le Conseil d’Administration de la SRF, s’alarmant du recours que nous avons déposé auprès du Conseil d’Etat contre l’extension par le gouvernement de la convention collective du 1° juillet 2013.

Nous souhaitons y répondre.

Depuis un an, nous ne cessons de dire la même chose.
Non, nous ne sommes pas contre une convention collective qui régisse le secteur. Nous y sommes même ardemment favorables car nous considérons qu’il est impérieux d’améliorer les conditions de travail et de salaires des techniciens qui fabriquent les films avec nous et, en tout premier lieu, ceux qui travaillent sur les films les plus mal financés.

Pour autant, nous pensons que cette convention collective, signée dans un premier temps par l’API et le SNTPCT est née sous de très mauvais auspices. Car c’est une alliance entre un syndicat de producteurs (les 4 groupes d’exploitation) qui s’arrangerait très bien de la disparition d’un grand nombre de films d’auteur et un syndicat de techniciens (le SNTPCT) qui considère que ces mêmes films ne devraient pas exister s’ils ne sont pas correctement financés par le « marché ».

Ce texte a donc été mal conçu dès le départ.
Profondément maximaliste, il met la barre trop haut, en particulier en ce qui concerne les majorations de tournage (heures de transport, heures de nuit, heures supplémen­taires), ce qui produit un tel surcoût de la masse salariale qu’il bloque la faisabilité d’un grand nombre de films.
Par ailleurs il est mal adapté à la spécificité des processus artistiques du cinéma. Il produit des contraintes mal pensées qui peuvent rejaillir sur la qualité des films (en particulier en ce qui concerne les heures de préparation et la localisation des décors) ou produire un formatage dangereux des œuvres dès leur écriture (notamment en ce qui concerne les heures de nuit).

Enfin, contrairement à ce qui est dit dans la pétition des techniciens, nous ne pensons pas que cette convention collective soit équitable. Car, comme toujours, elle renforce ceux dont l’activité principale est concentrée sur la période de tournage, et protège mal ou met dans des positions intenables, ceux qui travaillent en aval ou en amont, au stade de la préparation ou de la post-production.

Si nous avons pu rêver l’année dernière à une refonte générale de la convention collective afin qu’elle soit mieux adaptée à la fois à l’économie générale du secteur et au processus de fabrication des films, nous n’y croyons plus aujourd’hui.

Nous pensons par contre qu’elle peut encore être revisitée dans ses détails et améliorée pour le bien de tous.

Nous pensons par exemple qu’il serait extrêmement dangereux que les films de moins de 1,250M€ soient aujourd’hui intégrés dans le cadre de la convention collective, car le plus grand nombre d’entre eux disparaitrait de facto. (Et particulier, dès lors que n’arrivons pas à obtenir du CNC qu’il modifie la règle des 60%/40% entre argent public et argent privé pour ces films-là.)

Ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. Nous pensons que la clause dérogatoire devrait être revisitée afin d’être plus favorable aux techniciens, et pérennisée ce qui n’est pas le cas actuellement. Que les très hauts salaires devraient pouvoir être écrêtés dans certains cas précis. Ou qu’une partie du salaire du réalisateur devrait pouvoir être mis en participation pour les films d’un budget supérieur à ceux de la clause dérogatoire, etc.

Des améliorations notables sont possibles mais elles nous semblent presque impossible à obtenir dès lors que l’API est considéré comme représentatif des producteurs et qu’il peut donc signer seul, sans négociation avec au minimum l’un des trois autres syndicats de producteurs indépendants.

Le dernier baromètre FICAM indique une baisse de 40% du nombre de films en tournage sur le premier trimestre 2014 par rapport à la moyenne des trois années précédentes. L’application de la convention collective n’est pas la seule explication bien sûr, mais son caractère maximaliste participe d’un mouvement qui est objectivement très dangereux pour tout le monde.

Dans le même temps, depuis début mars, une large concertation a lieu toutes les semaines au CNC, sur la base des propositions du Rapport Bonnell et du groupe réalisateurs/techniciens/producteurs, concertation divisée en trois grands volets distincts : financement de la production, transparence et partage des recettes, et diffusion (distribution et exploitation) des films.

Selon les semaines, quatre à six cinéastes du CA de la SRF (Malik Chibane, Catherine Corsini, Pascale Ferran, Christophe Ruggia, Cédric Klapisch et Pierre Salvadori) participent activement à chacun des groupes.

Nous nous battons afin d’améliorer le financement des films et leur exposition en salles. Nous sommes convaincus, aujourd’hui plus que jamais, qu’une amélioration réelle du secteur ne peut passer que par une meilleure répartition des financements des films entre eux puis des salles qui les exposent.

Dans ce combat, qui est aussi le vôtre, même si malheureusement aucune association de techniciens n’est autour de la table (contrairement aux souhaits que nous avions exprimés auprès du CNC), nous nous opposons presque systématiquement à l’API, qui n’a évidemment aucun intérêt à un rééquilibrage des financements ou des recettes salles puisqu’ils en sont le plus souvent les premiers bénéficiaires.

C’est pour tout cela que nous avons décidé de faire une requête auprès du Conseil d’Etat, en utilisant l’opportunité du recours que la CFDT avait déposé de longue date.

Cette requête a avant tout vocation à faire reconnaître par le Conseil d’Etat que l’API ne peut être tenu comme représentatif des producteurs dès lors qu’il est seul signataire.
Cela aurait deux avantages majeurs à nos yeux :
 Modifier le rapport de force et raffermir la position des indépendants et des associations qui les représentent, tous secteurs confondus (techniciens, réalisateurs, producteurs, distributeurs, exploitants) face aux quatre grands circuits, dans toutes les négociations actuelles et à venir.
 Obliger potentiellement tous ceux qui ont signé la convention fin septembre (soit, côté producteurs, l’API, mais aussi le SPI, l’APC et l’UPF) à retourner autour de la table pour signer le même texte ou, dans le meilleur des cas, un texte sensiblement amélioré, auquel cas nous ferions tout notre possible pour faire entendre notre voix.

A partir du moment, où tous les syndicats de producteurs ont signé la convention collective fin septembre (c’est-à-dire après l’objet de notre requête), nous n’imaginons pas que le Conseil d’Etat impose une renégociation. A l’inverse, cela nous paraît tout à fait possible qu’il reconnaisse la non-représentativité de l’API, ce qui serait une vraie victoire pour tous ceux qui se battent pour la diversité du cinéma.

Le Conseil d’administration de la Société des réalisateurs de films :
Stéphane Brizé, Laurent Cantet, Malik Chibane, Catherine Corsini, Nicolas Engel, Frédéric Farrucci, Pascale Ferran, Robert Guédiguian, Agnès Jaoui, Cédric Klapisch, Helena Klotz, Sébastien Lifshitz, Katell Quillévéré, Christophe Ruggia, Pierre Salvadori, Céline Sciamma